Les clubs de motard constituent un phénomène sociologique tout à fait intéressant. Ils sont apparus généralement dans la seconde moitié du vingtième siècle, suite aux cataclysmes provoqués par des deux guerres mondiales, lesquels ont provoqué une perte de confiance dans les valeurs traditionnelles, comme l’église ou la famille. Dans la mesure où les les institutions censées protéger les jeunes gens n’ont pas été en mesure d’éviter de tels massacres (plus de 500 000 morts en France entre 1939 et 1945, tout de même), il n’y avait aucune raison légitime pour continuer à fonctionner avec les mêmes principes.
C’est la raison pour laquelle, un peu partout dans le monde, des jeunes gens ont fui les valeurs habituelles pour créer leurs propres valeurs. La moto, qui commence à se démocratiser durant cette période, constitue un symbole parfait de ce désir de rupture. Bruyante, dangereuse, nécessitant un entretien rigoureux occasionnant de longues soirées à bricoler, la moto est devenue l’emblème de ces réunions entre potes, qui ont fini par constituer des clubs. Nous nous pencherons dans cet article sur les principaux MC en France.
Sommaire
Qu’est-ce qu’un MC ?
Cette notion de MC pose problème pour la plupart des néophytes. Sous ce sigle, désignant le groupe nominal “Motorcycle Club”, il s’agit de désigner un groupement de motards ayant décidé de donner une tournure plus officielle à ses rassemblements, au point de constituer un club. Tout cela ne passe pas nécessairement par la fondation d’une association traditionnelle, comme celle d’un club de sport, par exemple, et il n’y a pas toujours de déclaration officielle en préfecture. Il s’agit davantage de se réunir autour de valeurs communes. Les principaux clubs de motards ont été fondés entre 1940 et 2000, et sont généralement à portée internationale.
Un club comme les Bandidos, par exemple, est implanté dans la plupart des pays du globe, de telle sorte que n’importe quel membre du club peut retrouver des valeurs communes et des amis même à l’autre bout de la planète. Généralement, les clubs français constituent ce qu’on appelle des chapitres d’un club plus vaste, c’est-à-dire une sorte d’antenne du club implantée dans l’Hexagone. Il peut y avoir plusieurs chapitres dans un même club dans un même pays, c’est assez souvent le cas dans un pays assez vaste comme la France.
Qu’est-ce que cela implique en France ?
L’adhésion à un club de motard, adhésion qui peut prendre parfois des années tellement certains clubs désirent garder une forme de confidentialité sur leurs activités, ne diffère pas tellement d’un pays à un autre. Le plus souvent, les présidents des chapitres d’un club international sont des membres qui ont acquis une certaine notoriété et une nette connaissance des us et coutumes du club en question.
De telle sorte qu’il n’y a pas vraiment de différence entre être un membre en France et aux États-Unis, par exemple. Toutefois, tous les clubs ne se ressemblent pas et même s’il y a plusieurs points communs, l’adhésion à un club peut entraîner plusieurs conséquences dans la vie d’un motard. Généralement, la recrue est tenue de posséder une moto de grosse cylindrée, le plus souvent supérieure à 1000 cm3, et de préférence d’origine américaine. On peut voir que cette règle très stricte a tendance à s’assouplir quelque peu sous la popularité des marques japonaises, allemandes, italiennes et britanniques. Le fait d’appartenir à un club suppose également de participer aux réunions, aux balades et aux manifestations du club.
Le motard est tenu de respecter une certaine confidentialité en ce qui concerne les activités internes du groupe, en particulier sur ce qui porte sur les actions illégales, comme les attaques ou les différents trafics. De plus, le motard adopte, que ce soit de manière permanente ou ponctuelle, tout un look qui permet de distinguer son appartenance à un club. Le signe le plus évident de cette appartenance est le port du blouson de cuir au dos duquel figure ce qu’on appelle un patch, c’est-à-dire un logo du club, logo qui est le même pour absolument tous les membres et qui mentionne clairement le nom du MC auquel appartient le motard. Ce signe de distinction est fondamental.
Les clubs français français
Seront vus ici quelques exemples de chapitres français de clubs plus vastes, à rayonnement international, ainsi que d’autres spécifiquement fondés dans l’hexagone. Évidemment, les membres français de ces clubs obéissent aux mêmes règles que les membres des autres pays, ils en partagent les valeurs et les codes.
Les Hells Angels
Le club le plus célèbre du monde a été fondé en 1948, Il est implanté sur 52 pays et dispose de 440 chapitres dans le monde. en France, il existe actuellement neuf chapitres : Paris, Orléans, Côte d’Azur, Nomades, Colmar, Bretagne, Normandie, Alpes et Toulouse. Il est difficile de dire exactement combien de membres cela suppose, probablement un peu plus d’une centaine. Le groupe parisien est certainement le plus actif. Bien qu’impliquée dans plusieurs affaires d’agressions ou d’attaques à main armée, l’antenne française du club ne semble pas appartenir à ce qu’on pourrait appeler de la haute criminalité. Quelques faits d’armes jalonnent toutefois le parcours des Hell’s Angels en France. Le président et l’adjoint au chapitre de Colmar ont par exemple hérité de quelques mois de prison pour intimidation et extorsion de fonds.
Les Bandidos
Le club des Bandidos a été fondé en 1966, et possède actuellement 200 chapitres répartis à travers le monde. Il est implanté sur 23 pays et possède environ 5000 membres. Il est très difficile de connaître exactement les l’implantation du club en France, dans la mesure où les Bandidos cultivent une certaine confidentialité sur leurs activités. Groupe particulièrement belliqueux, les Bandidos sont régulièrement cités dans des affaires criminelles, particulièrement dans des confrontations avec d’autres clubs. Ainsi, durant une perquisition dans un chapitre de Montpellier durant l’été 2022, de nombreuses armes à feu ont été saisies. Cette perquisition a été la suite d’une agression commise en février dernier suite à un différend entre deux clubs. Cela montre bien le désir des Bandidos de faire respecter leur réputation.
Les Outlaws
Il s’agit du club le plus ancien puisque il a été fondé en 1935 dans l’Illinois. Les Outlaws sont répartis dans le monde entier, y compris en France puisque cinq chapitres sont implantés sur l’hexagone : en Ariège, à Cherbourg, à Dieppe, au Havre et dans le Sud-Ouest. Une fois de plus, il est difficile d’avoir une estimation du nombre de membres français. Ce qui est malheureusement plus authentique, ce sont les nombreuses arrestations dont les motards du club font l’objet pour divers délits dont vols, extorsion et attaques. Le terme de “hors la loi”, traduction la plus simple du mot “Outlaws”, semble bien leur convenir.
Les Gunfighters
Par rapport aux trois clubs précédents, les Gunfighters sont beaucoup plus récents dans la mesure où ce MC a été fondé en 2005. Il est exclusivement constitué d’agents issus des forces de l’ordre, en référence au chapitre d’origine, composé d’anciens pompiers ou policiers ayant vécu de près les terribles attentats du 11 septembre 2001. Les Gunfighters possèdent énormément de chapitres et sont implantés dans plusieurs pays du globe, en Allemagne, en Belgique, au Brésil, au Nigeria, au Canada, au Mali, en Suisse, au Japon, en Somalie, en Écosse, au Madagascar, en Espagne, en Italie, en Australie, au Luxembourg, en Angleterre et en France.
Notre pays ne comporte pas moins de vingt-quatre chapitres, répartis harmonieusement dans le Nord et le Sud de la France. Cela est assez considérable, et montre bien le désir des forces de l’ordre de se rassembler autour de valeurs communes. Contrairement à ses homologues, ces valeurs sont plutôt des valeurs pacifiques, des valeurs d’entraide au nom du bien commun. Nulle trace de trafic ou de violence chez les Gunfighters, qui font plutôt dans les actions caritatives. Ce sont exclusivement des policiers, des douaniers ou des gendarmes qui sont admis en tant que membres. Les autres corps de métiers peuvent devenir ce qu’ils appellent des supporteurs du club, mais ils ne font pas partie du groupe comme membre à part entière.
Le HOG MC
Le HOG, sigle voulant dire “Harley Owners Group”, est un club exclusivement composé de motards circulant sur des Harley Davidson. Fort logiquement, c’est dans le Milwaukee, berceau de la marque, que ce club a vu le jour en 1983. Depuis, il n’a cessé de se développer dans énormément de chapitres répartis sur la plupart des pays du globe. Le groupe est ouvert à tous les propriétaires de Harley Davidson souhaitant partager cette passion commune pour la marque américaine. Il s’agit de se réunir, d’organiser des balades, des rassemblements ou simplement de partager un moment entre motards. Le HOG, très actif sur les réseaux sociaux, sur Facebook et Twitter notamment fonctionne comme une association, nécessitant un droit d’entrée et une cotisation annuelle. Il n’y a évidemment rien de suspect dans le fonctionnement de ce club, qui comporte actuellement près d’une cinquantaine de chapitres sur le territoire.
Le moto club des Potes
Le Moto Club des Potes, est né en 1982 dans un bar parisien du quartier de la Bastille, et a pris depuis de l’expansion, jusqu’à constituer différents chapitres en Province. Très soudé, le club se réunit dans le but d’échanger sur la moto, pour pratiquer de longues balades et pour partager des valeurs communes. Ce qui constitue la popularité de ce MC est sans doute son ouverture d’esprit : il ne s’agit pas de rivaliser avec d’autres clubs ou de rester enfermé sur un type de moto ou une cylindrée. Au contraire, même les conducteurs d’une petite 125 cc sont admis au sein du club, du moment que les valeurs sont respectées. Le club reste aujourd’hui très actif.
De manière générale, en balayant les différents MC de l’hexagone, plusieurs faits sont remarquables: d’une part les clubs sont souvent réunis autour d’une marque précise, voire d’un modèle précis. Cela est pratique pour échanger des astuces et des conseils sur l’entretien des machines. D’autre part, les valeurs véhiculées par ces clubs sont le plus souvent des valeurs pacifiques et de partage. A aucun moment on ne peut sentir une quelconque animosité ou le désir d’en découdre avec un club concurrent. Enfin, l’intégration dans un MC français ne pose généralement pas de problème particulier.
Nul rituel d’intégration, nul besoin d’éprouver la confiance ou la fidélité de la jeune recrue, comme on peut le voir dans des bandes à tendances criminelles comme les Bandidos ou les Pagans. Ici, c’est l’entraide qui règne. Finalement, les MC typiquement français ne semblent pas partager le désir de vivre une vie complètement à la marge de la société, comme ont tendance à le faire les membres des autres MC. Adhérer à un club ne revient pas à vivre exclusivement pour le club.
Conclusion
En définitive, nous pouvons constater que les grands fonctionnements des clubs français restent assez semblables à leurs homologues étrangers: les motards aiment se réunir ensemble, passer de bons moments, faire des rassemblements… mais ce qui divise vraiment ces clubs nationaux, c’est leur appartenance, ou non, à d’autres clubs internationaux.
Là où les MC étrangers cherchent en quelque sorte à étendre leur influence et à proposer des lieux éventuels de chute pour les membres en fuite, voire des points pour le trafic, les clubs français souhaitent des valeurs plus authentiques, sans nécessairement commettre d’actions illégales. C’est ainsi que même s’il y a énormément de clubs de motards en France, ceux-ci ne se distinguent pas nécessairement aux yeux de la justice et promulguent au contraire des valeurs positives.